MLÁDÍ (Jeunesse)

sextuor à vents de Leoš Janáček

arrangé pour quatuor à cordes par Kryštof Mařatka

(2016)

 

Mouvements :
- I. Allegro
- II. Andante sostenuto
- III. Vivace
- IV. Allegro animato

Durée : 18'

Création : Quatuor Zemlinsky, Tivoli Vredenburg Utrecht (Hollande), mars 2016

Éditeur : Bärenreiter Praha
Namesi Jiriho z Podebrad 112/19, 130 00 Praha 3, Czech Republic
Tel: +420 274 001 911 / info@baerenreiter.cz

Enregistrement :


Quatuor Zemlinsky

Extrait de partition :

Notes du compositeur :

La nuance entre les termes "transcription" et "arrangement" reste aujourd’hui ambiguë. Je remarque que certains professionnels rapprochent l’arrangement de l'univers du Jazz et de diverses branches de la musique non savante, et que d'autres font l'inverse, situant l’arrangement au-dessus de la transcription pour son apport artistique à l'œuvre originale.

Au sujet de mon travail sur Mládí, j'emploierai ici le terme d'arrangement, le concevant comme une adaptation "créative" de la partition originale du Maître morave. Pour ce faire, il m’aura donc fallu mobiliser toutes les connaissances et le savoir-faire que j'ai pu acquérir en tant que compositeur, mais aussi en tant qu’interprète et auditeur admiratif de la musique de Janáček depuis mon tout jeune âge.

Avant de parler du travail de compositeur-arrangeur lui-même, il est important d'évoquer la raison pour laquelle j'ai décidé d'arranger Mládí pour quatuor à cordes. Diverses raisons peuvent motiver la réalisation d’un arrangement ou d'une transcription : manque de répertoire, raisons pratiques, étude poussée de l’œuvre, ou encore élargissement du potentiel de l’œuvre par le compositeur lui-même. Mais un arrangement peut également naître d'un besoin purement artistique, d'une écoute intérieure de l'œuvre, de l’intuition d'un potentiel supplémentaire en accord avec l'original : c’est le cas de mon arrangement de Mládí.

Un tel travail est très risqué et doit rester conditionné par le respect total de "l'esprit" de la version originale, la connaissance du style du compositeur et des aspects techniques de son orchestration tels qu’étudiés dans d'autres de ses œuvres – dans notre cas des deux quatuors à cordes de Janáček : La Sonate à Kreutzer et Lettres intimes.

Plusieurs paramètres clés de mon travail sont à mentionner. En premier, la texture. Si j'ai osé toucher à cette pièce si spécifique, c’est que le résultat augurait de conserver l'essentiel, l'homogénéité de l'œuvre originale. Un groupe de six instruments de la même famille (instruments à vent) se métamorphose en groupe de quatre instruments d'une autre famille – les cordes. Ainsi, l'entité fondamentale reste préservée.

Il serait sans doute impossible pour moi d’obtenir semblable résultat dans le cas d'un arrangement pour quatuor à cordes d'une pièce pour piano (Sur un sentier recouvert par exemple) ou d'une orchestration pour ensemble instrumental d'une pièce pour piano et voix (par exemple du Journal d'un disparu).

Tout au long de mon travail, il aura fallu veiller à la stylisation, c'est-à-dire à la façon d'exprimer le discours musical et de l'adapter, au besoin, pour qu'il soit fidèle à l'écriture pour quatuor à cordes propre au compositeur ; cela au prix de modifier parfois certains éléments. Voici quelques exemples particulièrement marquants de pareils changements, au regard de l'original pour sextuor à vents:

- 1er mouvement, mesures 55-61 : le côté dramatique de ce passage, basé sur un solo du cor, est renforcé en ajoutant successivement à un solo de violoncelle les autres instruments du quatuor, à l'unisson et à l'octave.

- 3ème mouvement, mesures 124-129 : pour rester fidèle au lyrisme et à la tendresse de ce passage, l'arrangement utilise la même stylisation que celle du 4ème mouvement des Lettres intimes (Andante, mesure 191) : le 1er violon joue une figure répétitive dans les aigus (oscillation entre une septième mineur Mi-Ré, et Mi une octave plus haut) ; le second violon tient la partie mélodique principale à la tessiture inférieure par rapport à l'accompagnement du 1er violon ; l'alto joue une figure répétitive similaire à celle du 1er violon, mais dans une tessiture grave, et le violoncelle tient une quarte Ré-Sol en pédale, maintenant ainsi  la notion de la tonalité de Sol Majeur.

- 4ème mouvement, mesures 155-176 : à l'origine, nous avons là un solo de hautbois, soutenu plus tard par les notes répétées du cor et du basson, puis le solo passe à la clarinette et à la flûte. Ce passage dramatique s'est métamorphosé dans l'arrangement pour quatuor à cordes en un discours du 1er violon en fortissimo, suivi d'un tremolo frénétique des autres cordes, tel qu'on le trouve dans le 4ème mouvement des Lettres intimes (mesure 231). Ce choix s’est fondé sur la volonté d'accentuer la culmination dramatique de toute la pièce.

D'autres figures de stylisation furent également nécessaires pour adapter l'œuvre à l'univers spécifique du quatuor à cordes : pizzicati (par exemple, au 1er mouvement, mesures  30, 62-75, 119-123), harmoniques (3ème mouvement, mesures 144, 199-200), changements d'octaves (4ème mouvement, mesures 172-176), voire même l’ajout discret d'un contre-chant (3ème mouvement, mesures 80-91).

En ce qui concerne les dynamiques, des ajustements se sont imposés naturellement du fait de la différence sonore entre instruments à vents et cordes.

Pour ce qui est des tempi, de manière générale dans Mládí, Janáček n'indique pas toujours de mouvements métronomiques. J'ai fait le choix de proposer des indications précises basées sur mon interprétation des rapports des tempi entre tel et tel passage afin de rendre l'interprétation plus évidente.

Kryštof MAŘATKA